Chapitre XI: La fin du rêve de Timur Leng (1490-1497)
Mehmet se tient sur un bateau, dans la Corne d’Or. Que de chemin l’Empire Ottoman n’a-t-il pas parcouru, depuis sa quasi destruction par les assauts timourides!? Certes, les byzantins ont donnés une résistance, les peuples balkaniques également, mais tout ça est maintenant terminé. Aujourd’hui, en ce beau mois de mai, le sultan turc ottoman prend d’assaut Constantinople, capitale de ce qui s’appelle l’Empire Romain d’Orient.
L’Empire Ottoman remplacera bientôt dans toutes les cartes l’Empire Byzantin. Il ne suffit plus que d’enfoncer la porte Saint Romain, et l’Empereur de Constantinople périra atrocement, Sainte Sophie deviendra une Mosquée et le duc de Moscovie deviendra empereur de Russie… Des siècles plus tard, les deux empires s’effondreront en même temps, mais alors Mehmet II aura passé à l’histoire comme le destructeur final de l’Empire Byzantin…
Comme Mehmet II aurait aimé que ça se passe ainsi! Ce rêve qu’il a fait, cette nuit, il sent que c’aurait dû être son véritable destin… Mais si l’Empire d’Osman a finalement pu vaincre celui de Timour, ce n’aura été que pour la plus grande gloire de l’Empire de Théodoros II. Les théodorides, le nom qu’a donné Théodoros II à sa dynastie en l’honneur de son arrière grand-père et de lui-même, ont su profiter du chaos qu’a provoqué l’invasion timouride pour renverser le cours de l’histoire et accomplir un nouveau sursaut, comme seule Byzance semble capable de le faire de façon aussi spectaculaire.
Mehmet II n’est même plus « Empereur » ottoman de Sivas. Il a été déchu par son frère en 1496, pour cause de folie… Ce dernier s’est empressé de prêter hommage à la lointaine Horde d’Or, abandonnant de ce fait le peu de pouvoir et de dignité qu’il possédait encore. Son ancien territoire est encerclé par ces grecs qui semblaient à l’agonie il y a un siècle.
Mais revenons au début de cette histoire. À la fin du mois de février de l’an 895 du calendrier de l’Hégire, ou de l’an 1490 de celui partant de la naissance d’Îsâ, Théodoros II vainquait les mamelouks. Mais pendant tous ces combats, l’Empire Timouride achevait ses dernières convulsions en Asie Mineure.
Dans cette atmosphère, Mehmet, qui était l’un des leaders de la rébellion ottomane, mais pas le principal général révolté, entendait parler de la rupture de l’alliance entre Konstantin II de Bulgarie et Théodoros II de Constantinople. Mais bien sûr, il n’y aurait aucun effet positif à ceci. On disait même entre les branches que Théodoros II voulait se débarrasser du « traître » bulgare. Il ne serait pas un « bulgarochtone », certes, mais l’Empire Byzantin se sentait désormais suffisamment fort pour s’isoler totalement. De toute façon, quel allié de poids y a-t-il dans la région pour eux?
Tout au long de l’été, en fait jusqu’en août 1490, la rébellion ottomane ne parvint pas à s’emparer des grandes places, comme Erserum, Sivas ou Mus, mais elle progressait. Et le 9 août, c’était le premier contact avec l’Empire Byzantin, quand une armée de l’État ottoman informel attaque Sinope. Aussitôt, les ottomans apprirent que l’armée d’Alep se dirigeait vers eux. Mais le 9 septembre, pour exprimer leur mépris de Byzance, plusieurs sympathisants de Sinope se joignaient à leur combat pour Allah et pour leur liberté.
Ce fut en novembre que le prestigieux Hektor Rhangabe atteignit Sinope, et se battit contre Abdulaziz Dervis. Pendant ce temps, un allié des timouride, Oman, assiégeait Sivas nouvellement libérée. La rébellion faisait son chemin et, à la fin de l’année, les ottomans contrôlaient Sivas et Mus, cette dernière province n’appartenant plus à Karaman depuis son annexion par le Maroc. À la fin décembre, également, Adana et Sinope étaient assiégés, mais ça ne durerait pas…
Le 4 janvier 1491, Abdulaziz Dervis perdait à Sinope. Hektor Rhangabe se dirigea donc vers Adana, pour vaincre également les ottomans de cette province. Il écrasa au passage, à la fin du mois, les restes de l’armée qu’il avait affronté. C’était à Kastamon et Abdullah Salih était totalement défait. En mars, ce général qu’on pourrait nommer l’ottomanochtone battait également l’armée assiégeant Adana, qui retraitait cependant vers Mus, hors d’atteinte des armées impériales. Il était loin, le temps où Hélène 1ère croulait sous les révoltes, et malgré sa prétendue piètre performance quand il commandait seul les armées, Théodoros bénéficiait de toutes les bonnes circonstances.
Le 5 août, Erserum, dernière province timouride d’Asie Mineure, tombait entre les mains de la révolte ottomane. Depuis les batailles du début de l’année, Adana avait été sécurisée et le siège avait été remis à Sinope. La tentative tourna malheureusement court elle aussi et, tout au long de l’année, les byzantins avaient mis en échec les ottomans.
En 1492, la dernière chance de reprendre Angora fut détruite par l’opposition du sheikh orthodoxe de Dukaldir, mais Sinope et Adana étaient à nouveau la cible de la révolte. Ainsi, à la fin de février, Hektor Rhangabe et Alâ’ Ad-Dîn Buzqûrd Aygun les expulsait d’Angora. Cependant, le 1er mars de cette année, l’Empire Ottoman, qui n’existait plus depuis 36 ans, revenait à la vie. Et c’était lui, Mehmet II, qui devait tenter de le faire survivre… Mission impossible, avec quelqu’un comme Théodoros II à sa porte…
Le nouvel empereur, en guerre dès le premier jour contre l’Empire Timouride puisqu’il lui avait pris ses derniers territoires d’Asie Mineure, recevait également, quelques heures à peine après avoir déclaré son indépendance, une déclaration de guerre… byzantine. L’armée rebelle d’Adana d’Hasan Ohrili avait en effet été détruite le jour même de la déclaration d’indépendance. Pour l’Empire Byzantin, qui ne reconnaissait même pas l’existence de l’Empire Ottoman, c’était équivalent à une déclaration de guerre. Aussitôt abandonné, le siège de Sinope fut donc repris.
À sa renaissance, l’Empire Ottoman contrôlait Mus, Erserum et Sivas, entrant comme un poignard dans les territoires byzantins, avec comme pointe imparfaite Dukaldir. La situation n’était vraiment pas brillante. La seule armée de l’Empire était celle qui assiégeait Sinope et rien sauf les garnisons ne protégeaient ses possessions. En outre, Mehmet II n’avait aucun allié. La seule chose qui aurait pu dissuader Théodoros eu été une guerre contre un autre pays…
Dès le 19 mars, Mehmet II, à Sinope, essuyait une défaite contre ce satané Rhangabe. En un peu plus d’une semaine, le deux tiers du nouvel empire était assiégé… Pire encore, pour Mehmet, l’Empire Timouride avait trouvé un moyen d’acheminer des troupes à Erserum. Balloté en tout sens, le nouvel empereur subit également une défaite contre le général Paléologue, du nom de cette dynastie qui avait assistée au déclin de l’Empire Byzantin…
Le 8 avril, Mehmet II faisait la paix avec le sheikh du Maroc. Et le 14 juin, en désespoir de cause, il mettait le siège devant Adana, cette ville qui avait déjà tant souffert. Le même jour, l’armée timouride quittait l’empire. Désormais, son sort était entre les mains de Théodoros II. Tout l’été, le Basileus byzantin se contreficha du siège d’Adana, se concentrant sur les trois forteresses qui devaient tomber pour qu’il ait la victoire totale. En septembre, l’empereur ottoman eu vent, sous les murs d’Adana, que son homologue commençait à régler les nombreux prêts que sa mère avait contractée, mais un mauvais dosage des revenus mensuel provoqua un autre prêts quelques jours plus tard.
Le 16 octobre, sans trop y croire, Mehmet II se rendit en personne à Constantinople pour quémander une paix blanche à ce souverain qui ne manquait pas de majesté, auréolé par la résurrection mythique de son empire. Le basileus fit mine de l’écouter, mais il était évidemment intraitable et le renvoya, néanmoins courtoisement, en tant qu’invité de marque, et non comme un souverain, à son siège d’Adana.
Le 5 novembre, Pavlos Paléologue atteignait Adana, mais les montagnes ainsi que le Taurus rendaient la marche difficile pour son armée, et Mehmet pouvait espérer une victoire. Seulement, dix jours plus tard, Sivas, sa capitale, tombait. Néanmoins, pour redorer son blason, l’Empereur Ottoman put vaincre Paléologue à la toute fin de cette année.
Le 1er février de l’an 1493, Mehmet II appris tristement que les citoyens de Beyrouth étaient revenus à la foi orthodoxe. Nul doute qu’on leur avait forcé la main… Mais en mars, Adana était sur le point de tomber. Le 12 avril 1493, un peu plus d’un an après son indépendance de l’Empire Timouride et du Maroc, Erserum tombait. Le sort de l’Empire Ottoman dépendait maintenant de la résistance de Mus et du siège d’Adana, que Rhangabe se précipitait pour détruire. Enfin, ultimement, l’Empire ne pouvait espérer la victoire qu’en cas de révolte intégrale de l’Empire Byzantin…
Ce qui ne se produisit pas. Le 3 et le 27 mai, Rhangabe vainquait encore Mehmet II, respectivement à Adana et à Sivas. Son armée fondait maintenant à vue d’œil, et à la fin de juin, il subit une nouvelle défaite. Entretemps, toute l’armée byzantine s’était concentrée sur Mus. Finalement, le 12 juillet 1493, l’armée ottomane était totalement éliminée par Rhangabe à Sivas. L’empereur était ramené à Constantinople, mais cette fois en tant que prisonnier du Basileus. En octobre, Pavlos Angelos, un réformateur militaire parent du célèbre Hektor Angelos, était embauché et Mus tombait.
C’est alors que Théodoros II se livra à un exercice financier périlleux. Le 27 octobre, la mort dans l’âme, Mehmet II acceptait de donner Mus et Erserum, ainsi que 50(0) ducats en échange de la liberté. Le même jour, le Basileus se servait de cette somme pour rembourser un prêt. Désormais, deux petits royaumes musulmans étaient enclavés dans l’Empire Byzantin, les mamelouks étaient en guerre civile et l’Empire Byzantin avait retrouvé de très vieilles frontières. Le basileus commençait la réorganisation de son armée, mais c’était sans compter d’autres événements.
Le 2 décembre, les sunnites d’Alep se révoltèrent contre l’oppresseur. Le Basileus arrivait en catastrophe à faire quitter la petite force militaire de la ville et, à la fin du mois, il envoyait des renforts.
Le 18 janvier 1493, après près de 5 ans de révolte paysanne, les rebelles de Chypre étaient matés par Rhangabe. Ce dernier allait se rembarquer dans la flotte pour porter secours à Paléologue, à Alep.
Malgré cette aide, quelques jours après une union personnelle entre le Maroc et la Syrie, les deux militaires échouaient et se dispersaient. Le 2 mai, Théodoros remboursait, selon les ouïs dire, un autre prêt, pendant que quasi toute son armée se dirigeait, par le nord et le sud, vers Alep. C’est en juillet que l’armée assiégeant cette ville allait retraiter vers Beyrouth. Entretemps, toujours friands de réformes, le Basileus avait centralisé quelque peu son empire.
La fin de 1494 fut un désastre pour le sunnisme. Kastamon se convertissait à l’orthodoxie alors que la révolte d’Alep était systématiquement battue. Mais ce fut en janvier de l’année suivante que la révolte fut matée. Alors, le Basileus pu renforcer son armée, tout en poursuivant le siège de Chypre.
Le 16 février 1495 arrivait un curieux événement, dans la chrétienté occidentale. Le roi de Naples se proclamait « protestant » et s’attirait ainsi la haine du pape. Qui plus est, le fait d’être voisin de Rome donnait plus de gravité à la crise. Le 9 mars, néanmoins, Chypre tombait enfin et la guerre civile mamelouke se terminait à l’avantage d’Hatim 1er. L’année 1495 allait se terminer doucement, avec un mariage royal conclu avec la Valachie en septembre et l’excommunication de l’Aragon par la Castille, rien qui puisse vraiment intéresser Mehmet II, perdu dans ses rêves de grandeur impossible.
En 1496, en regardant une carte de l’occident, Mehmet II se rendit aussi compte que le roi Henryk 1er de Pologne était à présent roi de Pologne-Hongrie. Avec un peu de chance, peut-être essaierait-il d’abattre l’Empire Byzantin… Mais c’était peu probable. Depuis sa renaissance, l’Empire Byzantin n’a eu qu’une seule guerre avec les occidentaux, soit avec Venise. Pour le reste, ses voisins n’ont aucune raison de se plaindre.
Depuis, Mehmet II a perdu son trône, sombrant dans la folie, et vit maintenant reclus dans sa prison dorée. Le rêve de l’Empire Ottoman semble bien mort, après avoir détruit celui de Tamerlan… Et le rêve byzantin, lui, se poursuit, malgré tous les coups qui lui ont été portés.
PS Je n’ai vraiment pas pu m’empêcher de mettre Mehmet II… Il me semble que c’est d’un symbolique que les gens de cette uchronie ne peuvent pas comprendre… :rofl: Et dans le même temps, c’était aussi le point d’orgue de la chute des timourides. Maintenant, mon Empire est aussi grand qu’à la naissance de l’islam, je crois…
