Voici un travail que j'ai fait pour un de mes cours concernant l'évolution des armements après la fin de la collaboration entre l'Allemagne et l'URSS selon les clauses secretes du traité de rapallo.
Si vous voulez lire et faire des commentaires, vous êtes les bienvenus.
Je dois seulement vous avertir, je n'ai pas encore corrigé les fautes
Introduction :
Alors que les Allemands et Soviétiques ont collaborés ensemble dans le développement d’armes de 1922 à 1933, les armes qu’ils ont utilisés pour se battre de 1941 à 1945 étaient radicalement différentes l’une de l’autre. À la fin de la collaboration entre les deux pays, il y a donc eu une divergence massive dans la recherche d’armements. Pourtant, ils ont collaborés pendant onze ans et il n’y eut qu’un espace de huit ans avant le début de la guerre. Comment peut-on expliquer cette divergence? Était t’elle dût au hasard? Était-ce une action délibérée? Si c’était une action délibérée (et c’est bien ce que je pense,) quels ont étés les facteurs décisifs de cette décision? Je veux prouver dans mon travail que les causes de cette évolution séparée se trouvent dans l’examen de ces deux grands peuples ainsi que leur histoire précédant le conflit. Si nous parvenons à bien comprendre ces variables, l’évolution divergente nous paraîtra d’une logique simple.
Conséquences de la Première Guerre mondiale
Pour l’Allemagne :
Débats sur le traité de Versailles :
En 1919, les puissances gagnantes de la Première Guerre mondiale se rencontrent à Paris pour rédiger ce qui va devenir le traité de Versailles. Ce document a pour but d’expliquer la guerre la plus meurtrière de l’histoire jusque là qui venait de se terminer. Étant donné que l’Allemagne est vaincue, elle devient la responsable de la guerre. L’article 231 est une accusation formelle envers l’Allemagne d’être la responsable de la guerre. Les vainqueurs imposent donc d’importantes restrictions sur l’Allemagne et l’obligent à débourser des réparations pour le dommage qu’elle a provoqué durant la guerre. Il était évident que l’armée Allemande allait subir des coupures très importantes Par contre, lors de la rédaction de cette partie du traité, la délégation Française de Foch et Clémenceau ne parviennent pas à s’entendre avec l’Anglais Lloyd George au sujet de la composition de l’armée allemande. Les anglais y voulaient une armée de métier. Selon eux, les armées professionnelles étaient moins agressives que les armées de conscrits car les officiers, essentiellement des fonctionnaires, se perdent dans la routine quotidienne et ne pensent pas à l’agressivité. Ils tiraient leurs conclusions de leur propre armée, qui suivait ce modèle. Les Français pensaient le contraire. Selon eux, une armée de métier dans un environnement où les traditions prussiennes sont très fortes prendrait l’esprit national et éventuellement arriverait à dominer le gouvernement au pouvoir. En plus, dans l’éventualité d’une guerre, la forte base de l’armée de métier aurait beaucoup plus de facilité à reconstruire une armée démographiquement proportionnelle. Ils proposent donc une armée de conscrits qui resterait au service pendant une période plus courte avant de retourner chez eux. Cette démocratisation de l’armée empêchera la saveur nationaliste de s’y installer. Les Anglais rétorquent que la conscription obligatoire, en donnant un entrainement militaire de base à tout les Allemands, servirait à militariser la société et ne ferait que nourrir l’esprit nationaliste des jeunes Allemands, déjà frustrés par la tournure de la guerre.
Le 7 mars 1919, Foch s’incline devant George qui a maintenant le support de Clémenceau. L’armée de volontaires à long terme est crée en Allemagne. Cette armée très hiérarchisée, voire presque monarchique, passera plusieurs années à se chercher un chef. L’infanterie ne pourra compter plus de 100 000 hommes avec un corps d’officier de 4000 hommes et un état major de 60 officiers. Chaque soldat et sous officier à une durée d’enrôlement minimale de douze ans tandis que les officiers doivent servir au moins jusqu’à l’âge de quarante cinq ans. L’artillerie lourde et interdite ainsi que l’aviation guerrière, les divisions blindées et le gaz, les trois nouvelles armes de la grande guerre. Le stock d’équipement sera aussi étroitement surveillé. Il n’y aura jamais plus d’un fusil et quarante cartouches par soldat, une mitrailleuse lourde et une mitrailleuse légère par cent soldats et encore moins d’obus pour l’artillerie qui restait. La fabrique de ces munitions était strictement contrôlée. L’emplacement de chaque usine fabriquant des munitions devait être connu par les autorités alliées, on ne pouvait pas exporter ou importer des munitions et le stockage d’armes ou de munitions était évidemment interdit.
Afin de garantir la participation de l’Allemagne, les forces alliées occuperont certaines régions en Allemagne sur la côte ouest du Rhin, à Cologne, Coblence, Mayence et Kehl pendant quinze ans. Si l’Allemagne suit bien les consignes, les armées alliées évacueront progressivement le territoire tandis que si l’Allemagne refuse les conditions, les alliées occuperont de nouveau le territoire Allemand1.
L’armée allemande était donc dans une drôle de position. Sa taille ainsi que sa puissance était réduite à celle d’un corps policier, par contre elle devait être prête à fournir la base d’une armée beaucoup plus grande lorsque le réarmement (vu comme étant inévitable) allait se produire. Sa défaite durant la grande guerre ainsi que les conditions qui lui ont été imposées par Versailles lui donne tout de même quelques avantages subtils sur les autres puissances.
Les dirigeants de l’armée Allemande (pensons à Von Seekt) étaient au courant que la défaite allemande de 1918 n’était pas, ou du moins pas entièrement dût au coup de poignard dans le dos de la part des politiciens. Il a vu l’inefficacité des guerres de tranchées et a dut sentir le besoin de changement. Il n’était pas aux prises avec la gloire et l’honneur d’avoir gagné la grande guerre, comme les Français ou les Anglais. Il n’avait donc aucune honte ou doute à changer drastiquement la manière que la nouvelle Reichswehr (et donc la future Wehrmacht) allait approcher le champ de bataille. D’autant plus, les grands pays victorieux avaient des immenses stocks d’armes et de munitions désuètes. Avant que le gouvernement n’approuve l’achat de nouvelles armes, il faudrait écouler tout le stock de vieilles armes, toujours fonctionnelles. L’élitisme des armées victorieuses ainsi que la gloire apportée par la guerre a fait en sorte que la mentalité générale dans les hauts niveaux de l’armée française était que si c’était assez bon pour Verdun, ce serait assez bon pour les générations futures.
Le plus grand désavantage de la Reichwehr était évidemment sa petite taille. Une armée de cent mille hommes ne pourrait pas résister à des assauts à répétition d’une armée plus grande. C’est pourquoi, dès 1919, un réarmement était une évidence qui allait être entreprise par le gouvernement allemand tôt ou tard. Par contre, il fallait se faire à l’idée que pour l’instant, il faudrait peut être se combattre avec une armée minuscule. Comprenant l’importance d’une concentration de forces sur un petit point, les Allemands ne pouvaient pas se permettre d’éparpiller leur armée sur tout le territoire national. Il fallait qu’ils soient capables de concentrer le maximum de leurs effectifs dans une même région. Il leur fallait donc trouver une manière de mobiliser l’armée le plus possible pour qu’elle puisse se déplacer d’une extrémité de l’Allemagne à l’autre en cas d’attaque. Rappelons que durant les années 20, L’Allemagne était entourée d’ennemis potentiels. Afin de combler son désavantage numérique, elle devait aussi doter son armée des armes les plus puissantes. Le fait que l’armée allemande soit une armée de métier avec un temps d’enrôlement très long faisait en sorte que chaque soldat pouvait passer une longue période de temps à s’entraîner sur les nouveaux jouets technologiques, mais nous reviendrons à ce sujet un peu plus loin.
Il est donc important de se rappeler que l’armée de Weimar était une minuscule armée professionnelle avec un grand désir de modernisation et de mobilité pour combler ses lacunes avant un réarmement inévitable, mais peut être lointain.
Pour l’URSS
L’URSS est dans une situation bien particulière après la grande guerre. Même si elle n’est pas attaquée de l’extérieure, elle reste tout de même isolée étant donné sa nature politique. C’est de l’intérieur que vient sa plus grande menace. Le régime soviétique, même si il est au pouvoir, est loin d’être stable. Dès la fin de la Grande guerre, le pays est bouleversé par la guerre civile. Les anarchistes de Nestor Makhno, les Ukrainiens, les Czechs, les Polonais, les tsaristes et même les Japonais ont essayés d’arracher la Russie des mains des communistes. Par contre, en 1921, la paix intérieure semble plus ou moins rétablie. Par contre, les disettes importantes ainsi que les ravages du communisme de guerre laissent le peuple dans un état lamentable. En effet, cette pseudo politique économique n’était autre qu’une forme de loi martiale appliqué non seulement au niveau judiciaire et militaire, mais aussi au niveau industriel. La production et la distribution de biens étant contrôlées par l’état, la liberté d’entreprise est abolie et un contrôle militaire strict est imposé dans tous les domaines de la société. On n’hésitait pas à enrôler de force les gens dans le corps ouvrier ou dans l’armée et les exécuter si leur performance n’était pas adéquate.
La nouvelle armée rouge, sortant victorieuse de la guerre civile est placée dans une situation bien précaire. Elle a un grand effectif, certes, elle à plus d’un million et demi d’homme sous les drapeaux. En tant de guerre, elle peut aussi enrôler plusieurs millions de paysans ou ouvriers et leur donner des fusils. Un entrainement militaire était exigé, mais en temps dramatique, il n’était pas rare de se voir donné un fusil et dit d’aller rencontrer l’ennemi. Par contre, cette supériorité démographique écrasante était bien son seul avantage. Par contre, ces hommes sont mal armés et mal équipés, utilisant du matériel datant souvent du siècle dernier. Les origines variées des différents conscrits faisait en sorte que plusieurs ne parlaient pas la même langue ou ne se battaient pas de la même façon. Le climat souvent rigoureux ainsi que le manque d’infrastructure ajouté à l’armée piétonnière faisait en sorte que l’armée rouge était d’une lenteur inouïe. Ceci ne serait pas grave si l’on ne considérait pas l’immensité du territoire russe mais la longueur massive des frontières ainsi que la profondeur du territoire rendait une armée mobile très importante.
C’était ainsi que pensait Vladimir Triandafillov, vétéran de la première guerre, membre de l’état major soviétique et théoricien militaire, mort en 1931. Selon lui, l’armée rouge était un cas unique au monde. Seule une armée massive et extrêmement mobile arriverait à être efficace dans les guerres du futur.
Dès la fin de la guerre civile, nous voyons apparaître un désir de moderniser l’armée rouge. Il fallait moderniser l’équipement militaire, évidemment, mais il fallait surtout mettre à jour les moyens de transport (une armée moderne ne peut se fier sur des mulets pour tirer des pièces d’artillerie,) les infrastructures, l’industrie et, le plus important, avoir une doctrine stratégique commune à toute l’armée et efficace dans un pays comme la Russie. L’idée générale de la théorie de Triandafillov était de placer les troupes en profondeur sur le territoire russe, évitant une agglomération sur le front. Cette pratique n’était pas nouvelle, même avant la guerre patriotique. En effet, même Vauban, l’ingénieur de Louis XIV, savait que des places fortes à des points stratégiques étaient plus importantes qu’une frontière armée.
La logique derrière ce déploiement est pour éviter un encerclement. Il est vrai qu’un attaquant aurait plus de difficulté à percer un front massivement défendu, mais s’il y parvient, en massant ses forces sur un seul point, et que toute l’armée défensive était placée sur la frontière il lui sera facile d’encercler le défenseur pour l’anéantir, de détruire ses lignes de ravitaillement pour l’affamer ou simplement de courir à la capitale afin de gagner la guerre par défaut. Tout cela reste vrai, même aujourd’hui, mais il faut ajouter une nuance pour le cas Soviétique. L’immensité du territoire à défendre reste le facteur clé dans toute stratégie russe, depuis les tsars jusqu’à maintenant. L’ennemi peut venir de l’orient, en passant par la Chine ou une invasion amphibie pourrait prendre Vladivostok. Une invasion alliée pourrait voir l’ennemi pousser de l’intérieur en Sibérie et couper le pays en deux. Une invasion Allemande pourrait passer par le Caucase ou par l’Europe. En d’autres mots, l’armée rouge devait défendre tout le territoire soviétique (vingt deux millions de kilomètres carré) avec un peu plus d’un million de troupes (en temps de paix.) Étaler l’armée sur la frontière, même seulement en zones trouble, aurait été impossible, d’autant plus qu’il restait toujours la possibilité que l’armée soit nécessaire pour mater des révoltes internes. Une grande portion de l’armée devait donc rester à l’intérieur du continent. La mobilité devint donc une priorité absolue. Afin de mobiliser une armée de plusieurs millions, il fallait absolument avoir un équipement sophistiqué. Durant les années 20, les Soviétiques ne l’avaient pas, par contre, ils savaient qu’ils allaient en avoir besoin éventuellement. 2
Il fallut plusieurs années avant que ces changements soient parfaitement instaurés. L’invasion allemande commença et les Soviétiques n’étaient pas encore prêts. Il serait possible de soutenir que l’armée rouge n’a jamais réussie à se moderniser suffisamment à tous les niveaux pour être considéré à part entière comme une armée moderne, mais pour les fins de ce travail, il suffit de dire qu’elle s’est modernisée assez pour repousser une attaque allemande.
Le traité de Rapallo
Causes :
Ces deux pays, perdants de la grande guerre, se voient diplomatiquement séparés du reste du monde pour deux raisons différentes. L’Allemagne est isolée par le traité de Versailles. Elle est devenue la grande coupable et ne peut donc pas se rapprocher du reste de l’Europe. Plusieurs personnalités marquantes des deux côtés de la frontière ont essayés de créer un rapprochement, Stresemann et Aristide Briand par exemple, mais la mentalité générale des Européens était de voir les Allemands comme étant un peuple avec qui il valait mieux éviter les relations diplomatiques. Les communistes, ayant renversés le régime tsaristes et en prônant la révolution mondiale s’attirent la foudre de tout les gouvernements démocratiques. Winston Churchill a dit, durant l’entre deux guerres qu’il faudrait écraser la révolution dans l’œuf.
C’est donc le rejet mondial qui amène ces deux peuples à coopérer. En Avril 1922, les deux pays, représentés par Georgi Chicherin et Walter Rathenau se réunissent à Rapallo, en Italie, pour signer le traité du même nom. Cet accord annule toutes réparations et concessions amenées par la fin de la guerre et la signature du traité de Brest-Litovsk. Cette union ne causa évidemment pas a joie dans le reste de l’Europe. L’Allemagne et l’Union Soviétique étaient peut être les deux grands perdants de la guerre, mais ils restaient tout de même ceux avec le plus grand potentiel de reconstruction dans toute l’Europe. L’Allemagne était plus fort démographiquement que la France et l’Angleterre et possédait une industrie supérieure à la leur. Les communistes possédaient le bassin démographique le plus important au monde. Si les deux pays arrivaient à s’aider mutuellement, ils pourraient devenir les nations les plus fortes de tout le continent.
Clauses secrètes :
L’ouverture économique n’était pas le seul motif derrière le traité. Les deux pays avaient besoin d’un réarmement, pour différentes raisons; l’URSS par son retard technologique et l’Allemagne par les conditions imposées par le traité de Versailles. Afin de ne pas aller trop à l’encontre de celles-ci mais afin de s’assurer un potentiel armé moderne, L’Allemagne commence une collaboration militaire avec la Russie en installant des bases de recherches technologiques et stratégiques en sol russe et en collaborant avec des scientifiques militaires soviétiques. En échange, les Soviétiques pourraient utiliser les usines Allemandes afin de satisfaire leur besoin de modernisation.
Le projet militaire a pris de l’ampleur considérable. Il est étonnant de noter à quel point deux pays ayant des cultures et des idéologies complètement différentes ont réussis à si bien s’entendre pour une période de temps prolongée (presque onze ans.) On compte cinq projets de développements différents :
1) Une école d’aviation à Lipetsk. Ici on y entraînait des pilotes mais aussi des mécaniciens et des spécialistes dans la construction aéronautique. Au lieu de développer des modèles plus perfectionnés, les ingénieurs recevaient des plans et des prototypes de moteurs à la fine pointe de la technologie qui ont étés achetés à l’extérieur. Ces modèles étaient ensuite examinés afin que l’on puisse en comprendre le fonctionnement et l’utilité afin de construire des nouveaux modèles plus perfectionnés. Une classe de pilotes prenait quatre semaines à entrainer, chaque classe contenait à peu près une dizaine de pilotes. La recherche technique se faisait en continu avec des équipes de recherches permanentes3.
2) Un centre de recherches sur les gaz de combats et leur distribution par l’aviation aux abords de l’école de Lipetsk
3) Un centre de développement de chars d’assaut ainsi qu’une école de combat et d’entrainement en tactiques de blindés. Situé près de Kazan, à l’intersection de la rivière Volga et Kazanka. Il y avait plus d’une cinquantaine de chercheurs en permanence ainsi que les forces armées pour assurer la protection du camps (on voit à quelle niveau d’importance les deux gouvernements accordaient à ce projet en observant la présence de l’armée) ainsi qu’une quinzaine de recrues puisées dans les deux armées pour s’entraîner sur la poignée de chars d’assaut complétés mais aussi sur leur fabrication, les moteurs, les cannons, les mitrailleuses coaxiales, les chenilles etc. ainsi que dans les tactiques d’approches, de combat, de bataille en formation, de combat la nuit de guerre éclaire et statique etc. L’entrainement prenait 12 semaines et à la fin de celui-ci, la recrue savait exactement comment fonctionnait un char d’assaut, comment il était construit, comment le réparer et comment l’utiliser efficacement4.
4) Un centre de recherche sur les gaz de combats du nom de Kama, proche de Volsk, On y cherchait comment épandre le gaz par artillerie et de nouvelles manières de le produire en d’immenses quantités. Par contre, toute coopération cesse en 1927 et les recherches continuent d’une manière indépendante5.
5) Un centre de recherche développé par Junkers, une compagnie aéronautique Allemande. Ce centre faisait des recherches dans les systèmes de livraison de bombes par l’air, la communication radio, les armes de poing, l’ingénierie de guerre etc.
Une lettre de Voroshilov à Staline datant de 1929 montre bien la subtilité et la ruse qu’ils devaient employer pour contourner le traité de Versailles. Il dit que pour acheminer les tanks, fabriqués en Allemagne, le gouvernement soviétique devra passer un contrat bidon à Rheinmetall pour commander des tanks et les acheminer en Union Soviétique, où ils pourront être remis sous le contrôle Allemand (du moins jusqu’à ce que le contrat d’entre aide finisse, lorsque la plupart de l’équipement ainsi que la toute l’infrastructure sera remis en mains russes6.
Rupture :
Dès 1926, on peut commencer à voir les craques se propager dans l’amitié des deux pays. En effet, dans une lettre de Józef Unszlicht datant du 31 Décembre 1926, le membre de l’armée rouge dit à Staline que selon lui, les équipes de production germano-soviétiques ne devraient pas être élaborées d’avantage. Il est d’accord pour que celles qui existent déjà continuent de marcher (ex. pour développer l’artillerie et le blindage) mais une extension de l’Allemagne dans le fonctionnement de l’armée rouge pourrait nuire à un conflit éventuel entre les deux7.
Par contre, on ne commence qu’à parler d’une vraie rupture en 1933, lors de l’arrivée au pouvoir des nazis. Dès son arrivée au pouvoir, il parle de la guerre inévitable contre la peste marxiste. Les deux dirigeants, sentant l’animosité monter entre eux provoquent la désunion de ces groupes de recherches. Staline va encore plus loin en se débarrassant de la plupart des dirigeants des projets et les hauts fonctionnaires qui ont collaborés avec la Reichwehr. Le maréchal Mikhaïl Tukhachevsky (chef de l’armée rouge jusqu’en 1928) ainsi que le maréchal Alexandre Yegorov, conseiller aux affaires militaire sont écartés puis exécutés, sans raisons ou selon un complot inventé. Ils seront en effet tout deux réhabilités après la mort de Staline8.
En conclusion, toutes ces écoles ou camps de recherches ont eu des résultats relatifs. Les écoles de Lipetsk et de Kazan ont eu des succès phénoménales, tandis que les autres ont étés soit rendus inutiles par l’évolution de la guerre (comme la recherche en gaz de combats) ou n’ont eu que des succès limités. Par contre, ce qu’il faut en retenir c’est qu’à la fin de la collaboration, en 1933, les deux pays avaient des bases solides pour continuer la recherche et la production de matériel de guerre pour les faire rentrer dans leurs idéologies guerrières respectives.
Du côté soviétique, les russes ont eu, en 1933, assez de temps et d’expérience pour construire une industrie moderne (en utilisant souvent du matériel américain) et efficace. Lors d’une visite guidée de l’usine de tracteur de Kharkov, le général Bokkleberg est impressionné au point de remarquer à ces homologues russes à quel point il est jaloux et souhaiterait avoir des usines semblables en Allemagne. Il faut bien comprendre qu’une usine de tracteur peut être facilement convertie pour produire un nombre similaire de chars d’assaut. Regardons un peu une usine moyenne en Union Soviétique. L’usine de tracteur de Kharkov pouvait produire 40 tracteurs par jours (donc peut être 30 chars d’assaut par jour.) L’usine d’armes de Tula pouvait produire plus de 1500 carabines, mitrailleuses et fusils anti aériens par mois. L’usine d’aviation d’Alexandrovsk pouvait produire 50 moteurs de 450 HP (pour bombardiers) et 200 moteurs de 100 HP (pour des chasseurs et avions de reconnaissance.9)
Qu’est-ce que ceci veut dire? Premièrement que le besoin de l’union soviétique d’importer des armes de l’extérieur baisse de jours en jours, la rendant bientôt complètement indépendante au niveau de la production. Ensuite, au niveau de la création et du maintien d’une armée moderne, l’Union Soviétique était loin d’être en retard. La création d’une division d’infanterie (20 000 hommes) pourrait être entièrement équipée en à peine un mois par dix usines. Quatre usines de tracteurs pourraient remplacer les pertes en chars d’assaut de la bataille de Kursk en moins d’un an.
Une évolution séparée
Dès la fin de la coopération, les deux pays reprennent les recherches sur leurs propres projets. La radicalisation de l’Allemagne nazie fait en sorte qu’Hitler ne cache plus ses recherches et son réarmement. Plusieurs compagnies privées sont engagées pour faire de la recherche. Krupp, Rheinmetal ainsi que Ferdinand Porsche (plus tard) se concentre sur les cannons ainsi que l’artillerie et MAN, Henschel et Daimler travaillaient sur le châssis et la locomotion. Plusieurs de ces compagnies construisaient aussi des avions. Le gouvernement soviétique était aussi occupé dans le même genre de recherche. Les facteurs influençant les critères de recherche peuvent être retrouvés dans les trois points suivants. Considérant que les Allemands et les Soviétiques avaient une capacité de production similaire, les différences démographiques des deux pays ainsi que le niveau d’entraînement qu’allaient recevoir les deux soldats était très important.
La Différence démographique :
Lorsque l’on compare l’Allemagne à ses premières conquêtes, telle la France ou la Pologne, le bassin démographique Allemand était beaucoup plus profond. L’armée allemande n’a jamais eu besoin d’aller y puiser puisque les corps expéditionnaires ont étés amplement suffisants. Ils n’ont donc pas eu besoin de tirer profit de cet avantage. Par contre, la préparation de l’armée ainsi que le développement des armes a toujours été fait en fonction d’une attaque contre la Russie, donc contre un adversaire avec un avantage numérique vastement supérieur. L’Allemagne devait s’assurer d’avoir un avantage qualitatif aussi impressionnant pour pallier leur désavantage quantitatif. En d’autres mots cela veut dire que si un soldat allemand mourrait pour chaque soldat français, la victoire était quand même assurée. Si un soldat allemand mourrait pour chaque soldat russe, L’Allemagne serait dépeuplée tandis que les communistes seraient encore en pleine forme (relativement parlant.)
Chaque soldat allemand devait donc être en mesure de tuer le plus de Russes avant de mourir. C’est pourquoi on insistait pour lui donner les meilleures armes à la fine pointe de la technologie. Après tout, l’armée allemande qui a commencée Barbarossa le 22 juin 1941 était composée de trois million d’hommes, 3300 chars d’assauts et 2000 avions. L’armée russe qui allait les recevoir comprenait trois millions et demi d’hommes, vingt mille chars d’assaut ainsi que huit mille avions de combats10. Il faut aussi noter que les vagues massives de conscription n’avaient pas encore commencées. La taille de l’infanterie allait bientôt doubler, voire même tripler.
Il est facile de comprendre que si les Soviétiques avaient une armée beaucoup plus grosse mais une industrie similaire à l’Allemagne, ils ne pouvaient pas se permettre de passer énormément de temps à produire des armes complexes, même si celles-ci étaient plus performantes. La priorité soviétique était de produire de l’équipement standardisé et simple. Celui-ci devait être produit très rapidement et devait être fiable, même dans les pires conditions de la Russie hivernale.
Éducation allemande :
Tout au contraire, les groupes de jeunesse Hitlérienne n’avaient qu’un seul but : Apprendre aux jeunes à tuer.
A violently active, dominating, intrepid, brutal youth – that is what I am after (…) I want to see once more in its eyes the gleam of pride and independence of the beast of prey (…) I will have no intellectual training. Knowledge is ruin to my young men.
-Adolf Hitler
Basant leur main d’œuvre sur l’esclavage ainsi qu’une classe professionnelle déjà formée, les nazis n’avaient aucun besoin de former leurs jeunes dans la manutention. Dès 1932, les nazis commencent la jeunesse Hitlérienne, la rendant obligatoire en 1938. Ce qui veut dire que depuis le début de la guerre, beaucoup de soldats auront passés au moins une petite partie de leur jeunesse dans ce groupe. On y entrait dès la tendre enfance, vers huit ou dix ans et on y restait jusqu’à l’adolescence. En se rappelant que que l’enrôlement dans la Reichwehr et plus tard la Wehrmacht était de douze ans, la plupart des soldats étaient en entraînement militaire depuis leur préadolescence. Tout les aspects des groupes les préparaient au combat. On apprenait à lancer des grenades, à tirer du fusil, à faire de la marche forcée pendant de longues heures, à suivre les ordres, à travailler en équipe et se battre. En effet, la cruauté des instructeurs était requise et la violence entre les jeunes était encouragée. Les lectures obligatoires ainsi que les cours théoriques étaient remplis de l’idéologie nazie telle que la conception de l’espace vital, la biologie arienne, la haine des juifs et autres sous-hommes ainsi que la logique derrière l’extermination des races et la supériorité innée du peuple allemand11.
Ce jeune, qui a passé sa vie à s’entraîner et à avaler la propagande nazie était transformé en machine à tuer. Il était spécialiste dans plusieurs armes et savait parfaitement où il se situait dans les manœuvres interarmes. Il était prêt à mettre en action tout les plans de son Führer et mourait volontiers pour sa patrie, chose qu’on lui demandait souvent.
Il est donc logique de donner à cet homme, cet ubersoldat, les armes les plus perfectionnées que possible afin qu’il puisse faire son boulot et exterminer le plus de sous hommes et de méchants communistes avant de mourir, fier et plein d’honneur.
Éducation soviétique :
Comme dans le reste du monde entier, mais plus particulièrement dans les pays totalitaires, il existait beaucoup de groupes de jeunesse pour que les jeunes puissent aller s’amuser et s’instruire dans leurs temps libres. La nuance est que dans les pays totalitaires, ces institutions sont obligatoires, dirigées par l’état et un des buts principal est d’intégrer le jeune dans le moule de la société dans laquelle il vit. En URSS, cette société était le komsomol. Lorsque le groupe est crée, il n’y avait aucune base de groupes de jeunesses tsariste sur lequel le komsomol pouvait se baser. On a donc du tout inventer à partir de rien.
The young Soviet citizen must strenghten the economic basis of Soviet influence by working «creatively» as a Stakhanovite and as a leader of Socialist emulation. Intelligent mastery of technique must be combined with a socialist attitude to labour founded on an iron conscious discipline.»12
Qu’est-ce que ceci veut dire? Rappelons-nous que lorsque le komsomol a été fondé, l’Union Soviétique commençait un vaste mouvement d’industrialisation. Le gouvernement devait donc prendre des paysans ou des artisans illettrés et les transformer en ouvrier qualifié ou en travailleur dans les fermes communautaires. La meilleure manière à long terme de faire ceci était de l’enseigner à la jeunesse et durant le service militaire (obligatoire.) Les jeunes ainsi que les recrues, en plus de l’entraînement militaire, recevaient une formation sur des machines d’ouvriers, apprenait comment travailler à la ferme et construisait les infrastructures de transport pour faciliter la communication entre villes. Ce travail, pourtant nécessaire à la survie de l’Union Soviétique, ne visait pas spécifiquement à former des soldats professionnels mais plutôt un personnel polyvalent qui arriverait à fonctionner dans le monde soviétique une fois que son temps d’enrôlement fût fini. Il est donc normal que le soldat qui sorte de cette école d’entrainement ne soit pas en mesure de fonctionner dans une armée à la fine pointe de la technologie. Il ne sait pas comment réparer un char d’assaut, n’est pas un spécialiste de telle ou telle armes etc. Il ne serait donc pas utile de lui donner des armes complexes étant donné qu’il ne pourrait pas s’en servir. D’autant plus, le pourcentage de mortalité des nouveaux conscrits était tellement haut que leur assigner un équipement de valeur et un entraînement de spécialiste aurait pu être vu comme étant de la perte.
Il est évident qu’il y avait des spécialistes dans l’armée rouge ainsi que des armes à la fine pointe de la technologie. Je pense entre autres aux camions lance roquette Katyusha ainsi que les chars d’assauts lourds T35 avec trois cannons et un équipage de dix personnes. Il faut tout de même retenir que l’armée rouge était principalement une armée de non spécialistes.
Performance durant la Deuxième Guerre mondiale
La Deuxième Guerre mondiale a donc vu le choc entre ces deux armées puissantes avec leurs idéologies respectives. Il serait inutile de faire une longue description du conflit puisque nous pouvons très bien observer les résultats de ce duel en quelques exemples biens choisis.
Lorsque l’armée Allemande passe les frontières soviétiques, elle est désavantagée à plusieurs niveaux. Le premier est démographique comme nous avons vus plus tôt. Le deuxième est la non standardisation de son armement. Concentrons-nous sur les chars d’assauts pour cet exemple. Il y avait beaucoup de chars allemands participant à l’invasion à la fine pointe de la technologie. Je pense au Panzer IV (qui était tout de même en voie de devenir désuet,) au Tiger et au Panther qui allaient le remplacer et plusieurs autres modèles. Par contre, il n’y avait aucune uniformité entre équipement. Les commandants devaient donc essayer de coordonner des attaques avec des milliers de chars ayant différents armements, différentes vitesses, armure, besoin logistiques etc. Ceci créa donc une confusion et une inégalité de la puissance d’attaque.
Les Allemands, en 1943, utilisaient prêt de dix sorte de chars différents, sinon plus si l’on compte les chars capturés. Panzer II , III, IV, Tigre, Panthère, jagdtiger, jagdpanther, elefant ainsi que plusieurs variantes de ces modèles adaptés à certains besoins spécifiques (amphibie, lance roquette, lance flamme, poseurs de ponts, destructeurs de ponts etc.) et ceci est sans compter tout les différents modèles de transports blindés, d’artillerie mobile, d’artillerie à roquette etc.
Bref, chacun de ces chars nécessitait un entrainement ainsi qu’une expérience particulière. Il est vrai que dans une certaine mesure, l’équipage pouvait être interchangeable, mais la complexité de l’équipement faisait en sorte que pour obtenir une maîtrise à 100% de son véhicule, il fallait le connaître de fonds en comble. Ceci ne posait pas nécessairement un problème aux équipages vétérans qui étaient au boulot depuis plusieurs années mais les nouvelles recrues fraîchement cueillies n’ont pas pu s’adapter.
Au contraire, l’armée soviétique possédait trois chars d’assaut de base : Le modèle T (T-34, T-35 etc.) le KV ainsi que le BT. Il est vrai qu’il existait plusieurs modèles différents de ces chars, mais la simplicité et l’uniformité d’entre eux faisait en sorte qu’il ne fallait que quelques heures de pratique avant de maîtriser parfaitement son nouveau véhicule. En effet, la plupart des conducteurs de T34 n’avait que : les contrôles, les pédales, la boîte de transmission et accès à la mitrailleuse coaxiale. Il serait difficile de s’y tromper13.
L’hiver soviétique fût tout aussi important pour la défaite allemande. L’équipement Allemand, fonctionnant parfaitement en température normale, n’était pas du tout conçu pour opérer dans un froid sibérien (en effet, Hitler pensait finir la guerre durant l’été.) Les cannons ainsi que les fusils et chenilles utilisant une huile minérale complexe gelaient et arrêtait de lubrifier les pièces, le caoutchouc synthétique explosait, les moteurs ne pouvaient pas partir étant donné que les minuscules pièces étaient congelées. Par contre, les chars soviétiques, qui avaient étés conçus avec l’hiver en tête n’avaient pas de problèmes. Les moteurs étaient grossiers mais ils fonctionnaient. Le canon était simple mais il n’explosait pas quand on le tirait à -40 de température. Si le T34 ne partait pas le matin, il suffisait d’allumer un feu sous le châssis afin de réchauffer le moteur. Si un chauffeur de Jagdtiger faisait ceci, il allumerait le magasin d’obus et le char exploserait14.
CONCLUSION
Il est facile de voir d’autres aspects de cette lutte entre la simplification et la modernisation à outrance durant la guerre. En 1941, lorsque les armées soviétiques sont prises par surprise, ne parviennent pas à riposter à temps et que les trois grandes villes soviétiques sont menacées, Staline appelle à la grande guerre patriotique. Selon lui, la seule manière de gagner la guerre était de mobiliser le peuple entier et de dérouter l’envahisseur en s’unifiant derrière l’étendard communiste.
Par contre, lorsque la guerre commence à aller mal pour Hitler, en 43-44, sa solution est d’investir dans les armes miracles. Selon lui, la meilleure manière de gagner la guerre était par une modernisation à outrance, de battre l’ennemi en l’exposant à des armes avec un potentiel destructeur inimaginable qui oblitérerait son avantage numérique.
On voit ici la tendance que nous avons vu dans mon travail mais poussé à son extrême par la force du désespoir.
Ceci n’est pas une étude anti modernisation. Je ne crois pas que les Allemands auraient pu gagner la guerre en employant la même tactique que les soviétiques. Je tiens simplement à prouver que la guerre, en tant qu’activité sociale, est intimement liée à tous les facteurs qui affectent une société particulière.
Nous aurions pu croire que la divergence entre la direction des champs de recherche après la fin du traité de Rapallo était simplement dû au hasard ou à d’autres facteurs plus ou moins aléatoires comme le désir particulier des dirigeants, par exemple. Par contre, je crois bien démontrer que les directions qu’ont prises les deux belligérants étaient inévitables, sinon logique.
Bibliographie :
Monographies :
Benoist-Méchin, Histoire de l’armée Allemande, vol. 1. Paris, Laffont, 1966,
Dyakov, Yuri et Bushuyeva, Tatyana. The Red Army and the Wehrmacht. How the Soviets militarized Germany, 1922-33, and paved the way for fascism. New York, Prometheus Books, 1994. 348 pages
Fowler, Will. The First Seven Days. Barbarossa, Nazi Germany’s 1941 Invasion of the Soviet Union. 2006, Sandcastle book. 192 pages.
Gatzke, Hanz. Stresemann and the Rearmementof Germany. Baltimore, John Hopkins Press, 1954. 132 pages
Williams, E.S. The Soviet Military. New York, 1986, St. Martin’s Press. 203 pages.
Périodiques :
Gould, Julius. «The komsomol and the Hitler Jugend» The British Journal of Sociology, Vol. 2, No. 4 (Décembre 1951) pp.305 – 314.
Kunzer, Edward. «The Youth of Nazi Germany» Journal of Educational Sociology, Vol. 11, No. 6 (Février 1938) pp.342 – 350.
Sella, Amnon. «Red Army Doctrine and Training on the Eve of the Second World War.» Soviet Studies. Vol. 27, No.2 (Avril 1975) pp.245-264
Stein, George. «Russo-German Military Collaborations : The Last Phase, 1933» Political Science Quarterly, Vol. 77, No. 1. (Mars 1962) pp. 54-71.
Si vous voulez lire et faire des commentaires, vous êtes les bienvenus.
Je dois seulement vous avertir, je n'ai pas encore corrigé les fautes
Introduction :
Alors que les Allemands et Soviétiques ont collaborés ensemble dans le développement d’armes de 1922 à 1933, les armes qu’ils ont utilisés pour se battre de 1941 à 1945 étaient radicalement différentes l’une de l’autre. À la fin de la collaboration entre les deux pays, il y a donc eu une divergence massive dans la recherche d’armements. Pourtant, ils ont collaborés pendant onze ans et il n’y eut qu’un espace de huit ans avant le début de la guerre. Comment peut-on expliquer cette divergence? Était t’elle dût au hasard? Était-ce une action délibérée? Si c’était une action délibérée (et c’est bien ce que je pense,) quels ont étés les facteurs décisifs de cette décision? Je veux prouver dans mon travail que les causes de cette évolution séparée se trouvent dans l’examen de ces deux grands peuples ainsi que leur histoire précédant le conflit. Si nous parvenons à bien comprendre ces variables, l’évolution divergente nous paraîtra d’une logique simple.
Conséquences de la Première Guerre mondiale
Pour l’Allemagne :
Débats sur le traité de Versailles :
En 1919, les puissances gagnantes de la Première Guerre mondiale se rencontrent à Paris pour rédiger ce qui va devenir le traité de Versailles. Ce document a pour but d’expliquer la guerre la plus meurtrière de l’histoire jusque là qui venait de se terminer. Étant donné que l’Allemagne est vaincue, elle devient la responsable de la guerre. L’article 231 est une accusation formelle envers l’Allemagne d’être la responsable de la guerre. Les vainqueurs imposent donc d’importantes restrictions sur l’Allemagne et l’obligent à débourser des réparations pour le dommage qu’elle a provoqué durant la guerre. Il était évident que l’armée Allemande allait subir des coupures très importantes Par contre, lors de la rédaction de cette partie du traité, la délégation Française de Foch et Clémenceau ne parviennent pas à s’entendre avec l’Anglais Lloyd George au sujet de la composition de l’armée allemande. Les anglais y voulaient une armée de métier. Selon eux, les armées professionnelles étaient moins agressives que les armées de conscrits car les officiers, essentiellement des fonctionnaires, se perdent dans la routine quotidienne et ne pensent pas à l’agressivité. Ils tiraient leurs conclusions de leur propre armée, qui suivait ce modèle. Les Français pensaient le contraire. Selon eux, une armée de métier dans un environnement où les traditions prussiennes sont très fortes prendrait l’esprit national et éventuellement arriverait à dominer le gouvernement au pouvoir. En plus, dans l’éventualité d’une guerre, la forte base de l’armée de métier aurait beaucoup plus de facilité à reconstruire une armée démographiquement proportionnelle. Ils proposent donc une armée de conscrits qui resterait au service pendant une période plus courte avant de retourner chez eux. Cette démocratisation de l’armée empêchera la saveur nationaliste de s’y installer. Les Anglais rétorquent que la conscription obligatoire, en donnant un entrainement militaire de base à tout les Allemands, servirait à militariser la société et ne ferait que nourrir l’esprit nationaliste des jeunes Allemands, déjà frustrés par la tournure de la guerre.
Le 7 mars 1919, Foch s’incline devant George qui a maintenant le support de Clémenceau. L’armée de volontaires à long terme est crée en Allemagne. Cette armée très hiérarchisée, voire presque monarchique, passera plusieurs années à se chercher un chef. L’infanterie ne pourra compter plus de 100 000 hommes avec un corps d’officier de 4000 hommes et un état major de 60 officiers. Chaque soldat et sous officier à une durée d’enrôlement minimale de douze ans tandis que les officiers doivent servir au moins jusqu’à l’âge de quarante cinq ans. L’artillerie lourde et interdite ainsi que l’aviation guerrière, les divisions blindées et le gaz, les trois nouvelles armes de la grande guerre. Le stock d’équipement sera aussi étroitement surveillé. Il n’y aura jamais plus d’un fusil et quarante cartouches par soldat, une mitrailleuse lourde et une mitrailleuse légère par cent soldats et encore moins d’obus pour l’artillerie qui restait. La fabrique de ces munitions était strictement contrôlée. L’emplacement de chaque usine fabriquant des munitions devait être connu par les autorités alliées, on ne pouvait pas exporter ou importer des munitions et le stockage d’armes ou de munitions était évidemment interdit.
Afin de garantir la participation de l’Allemagne, les forces alliées occuperont certaines régions en Allemagne sur la côte ouest du Rhin, à Cologne, Coblence, Mayence et Kehl pendant quinze ans. Si l’Allemagne suit bien les consignes, les armées alliées évacueront progressivement le territoire tandis que si l’Allemagne refuse les conditions, les alliées occuperont de nouveau le territoire Allemand1.
L’armée allemande était donc dans une drôle de position. Sa taille ainsi que sa puissance était réduite à celle d’un corps policier, par contre elle devait être prête à fournir la base d’une armée beaucoup plus grande lorsque le réarmement (vu comme étant inévitable) allait se produire. Sa défaite durant la grande guerre ainsi que les conditions qui lui ont été imposées par Versailles lui donne tout de même quelques avantages subtils sur les autres puissances.
Les dirigeants de l’armée Allemande (pensons à Von Seekt) étaient au courant que la défaite allemande de 1918 n’était pas, ou du moins pas entièrement dût au coup de poignard dans le dos de la part des politiciens. Il a vu l’inefficacité des guerres de tranchées et a dut sentir le besoin de changement. Il n’était pas aux prises avec la gloire et l’honneur d’avoir gagné la grande guerre, comme les Français ou les Anglais. Il n’avait donc aucune honte ou doute à changer drastiquement la manière que la nouvelle Reichswehr (et donc la future Wehrmacht) allait approcher le champ de bataille. D’autant plus, les grands pays victorieux avaient des immenses stocks d’armes et de munitions désuètes. Avant que le gouvernement n’approuve l’achat de nouvelles armes, il faudrait écouler tout le stock de vieilles armes, toujours fonctionnelles. L’élitisme des armées victorieuses ainsi que la gloire apportée par la guerre a fait en sorte que la mentalité générale dans les hauts niveaux de l’armée française était que si c’était assez bon pour Verdun, ce serait assez bon pour les générations futures.
Le plus grand désavantage de la Reichwehr était évidemment sa petite taille. Une armée de cent mille hommes ne pourrait pas résister à des assauts à répétition d’une armée plus grande. C’est pourquoi, dès 1919, un réarmement était une évidence qui allait être entreprise par le gouvernement allemand tôt ou tard. Par contre, il fallait se faire à l’idée que pour l’instant, il faudrait peut être se combattre avec une armée minuscule. Comprenant l’importance d’une concentration de forces sur un petit point, les Allemands ne pouvaient pas se permettre d’éparpiller leur armée sur tout le territoire national. Il fallait qu’ils soient capables de concentrer le maximum de leurs effectifs dans une même région. Il leur fallait donc trouver une manière de mobiliser l’armée le plus possible pour qu’elle puisse se déplacer d’une extrémité de l’Allemagne à l’autre en cas d’attaque. Rappelons que durant les années 20, L’Allemagne était entourée d’ennemis potentiels. Afin de combler son désavantage numérique, elle devait aussi doter son armée des armes les plus puissantes. Le fait que l’armée allemande soit une armée de métier avec un temps d’enrôlement très long faisait en sorte que chaque soldat pouvait passer une longue période de temps à s’entraîner sur les nouveaux jouets technologiques, mais nous reviendrons à ce sujet un peu plus loin.
Il est donc important de se rappeler que l’armée de Weimar était une minuscule armée professionnelle avec un grand désir de modernisation et de mobilité pour combler ses lacunes avant un réarmement inévitable, mais peut être lointain.
Pour l’URSS
L’URSS est dans une situation bien particulière après la grande guerre. Même si elle n’est pas attaquée de l’extérieure, elle reste tout de même isolée étant donné sa nature politique. C’est de l’intérieur que vient sa plus grande menace. Le régime soviétique, même si il est au pouvoir, est loin d’être stable. Dès la fin de la Grande guerre, le pays est bouleversé par la guerre civile. Les anarchistes de Nestor Makhno, les Ukrainiens, les Czechs, les Polonais, les tsaristes et même les Japonais ont essayés d’arracher la Russie des mains des communistes. Par contre, en 1921, la paix intérieure semble plus ou moins rétablie. Par contre, les disettes importantes ainsi que les ravages du communisme de guerre laissent le peuple dans un état lamentable. En effet, cette pseudo politique économique n’était autre qu’une forme de loi martiale appliqué non seulement au niveau judiciaire et militaire, mais aussi au niveau industriel. La production et la distribution de biens étant contrôlées par l’état, la liberté d’entreprise est abolie et un contrôle militaire strict est imposé dans tous les domaines de la société. On n’hésitait pas à enrôler de force les gens dans le corps ouvrier ou dans l’armée et les exécuter si leur performance n’était pas adéquate.
La nouvelle armée rouge, sortant victorieuse de la guerre civile est placée dans une situation bien précaire. Elle a un grand effectif, certes, elle à plus d’un million et demi d’homme sous les drapeaux. En tant de guerre, elle peut aussi enrôler plusieurs millions de paysans ou ouvriers et leur donner des fusils. Un entrainement militaire était exigé, mais en temps dramatique, il n’était pas rare de se voir donné un fusil et dit d’aller rencontrer l’ennemi. Par contre, cette supériorité démographique écrasante était bien son seul avantage. Par contre, ces hommes sont mal armés et mal équipés, utilisant du matériel datant souvent du siècle dernier. Les origines variées des différents conscrits faisait en sorte que plusieurs ne parlaient pas la même langue ou ne se battaient pas de la même façon. Le climat souvent rigoureux ainsi que le manque d’infrastructure ajouté à l’armée piétonnière faisait en sorte que l’armée rouge était d’une lenteur inouïe. Ceci ne serait pas grave si l’on ne considérait pas l’immensité du territoire russe mais la longueur massive des frontières ainsi que la profondeur du territoire rendait une armée mobile très importante.
C’était ainsi que pensait Vladimir Triandafillov, vétéran de la première guerre, membre de l’état major soviétique et théoricien militaire, mort en 1931. Selon lui, l’armée rouge était un cas unique au monde. Seule une armée massive et extrêmement mobile arriverait à être efficace dans les guerres du futur.
Dès la fin de la guerre civile, nous voyons apparaître un désir de moderniser l’armée rouge. Il fallait moderniser l’équipement militaire, évidemment, mais il fallait surtout mettre à jour les moyens de transport (une armée moderne ne peut se fier sur des mulets pour tirer des pièces d’artillerie,) les infrastructures, l’industrie et, le plus important, avoir une doctrine stratégique commune à toute l’armée et efficace dans un pays comme la Russie. L’idée générale de la théorie de Triandafillov était de placer les troupes en profondeur sur le territoire russe, évitant une agglomération sur le front. Cette pratique n’était pas nouvelle, même avant la guerre patriotique. En effet, même Vauban, l’ingénieur de Louis XIV, savait que des places fortes à des points stratégiques étaient plus importantes qu’une frontière armée.
La logique derrière ce déploiement est pour éviter un encerclement. Il est vrai qu’un attaquant aurait plus de difficulté à percer un front massivement défendu, mais s’il y parvient, en massant ses forces sur un seul point, et que toute l’armée défensive était placée sur la frontière il lui sera facile d’encercler le défenseur pour l’anéantir, de détruire ses lignes de ravitaillement pour l’affamer ou simplement de courir à la capitale afin de gagner la guerre par défaut. Tout cela reste vrai, même aujourd’hui, mais il faut ajouter une nuance pour le cas Soviétique. L’immensité du territoire à défendre reste le facteur clé dans toute stratégie russe, depuis les tsars jusqu’à maintenant. L’ennemi peut venir de l’orient, en passant par la Chine ou une invasion amphibie pourrait prendre Vladivostok. Une invasion alliée pourrait voir l’ennemi pousser de l’intérieur en Sibérie et couper le pays en deux. Une invasion Allemande pourrait passer par le Caucase ou par l’Europe. En d’autres mots, l’armée rouge devait défendre tout le territoire soviétique (vingt deux millions de kilomètres carré) avec un peu plus d’un million de troupes (en temps de paix.) Étaler l’armée sur la frontière, même seulement en zones trouble, aurait été impossible, d’autant plus qu’il restait toujours la possibilité que l’armée soit nécessaire pour mater des révoltes internes. Une grande portion de l’armée devait donc rester à l’intérieur du continent. La mobilité devint donc une priorité absolue. Afin de mobiliser une armée de plusieurs millions, il fallait absolument avoir un équipement sophistiqué. Durant les années 20, les Soviétiques ne l’avaient pas, par contre, ils savaient qu’ils allaient en avoir besoin éventuellement. 2
Il fallut plusieurs années avant que ces changements soient parfaitement instaurés. L’invasion allemande commença et les Soviétiques n’étaient pas encore prêts. Il serait possible de soutenir que l’armée rouge n’a jamais réussie à se moderniser suffisamment à tous les niveaux pour être considéré à part entière comme une armée moderne, mais pour les fins de ce travail, il suffit de dire qu’elle s’est modernisée assez pour repousser une attaque allemande.
Le traité de Rapallo
Causes :
Ces deux pays, perdants de la grande guerre, se voient diplomatiquement séparés du reste du monde pour deux raisons différentes. L’Allemagne est isolée par le traité de Versailles. Elle est devenue la grande coupable et ne peut donc pas se rapprocher du reste de l’Europe. Plusieurs personnalités marquantes des deux côtés de la frontière ont essayés de créer un rapprochement, Stresemann et Aristide Briand par exemple, mais la mentalité générale des Européens était de voir les Allemands comme étant un peuple avec qui il valait mieux éviter les relations diplomatiques. Les communistes, ayant renversés le régime tsaristes et en prônant la révolution mondiale s’attirent la foudre de tout les gouvernements démocratiques. Winston Churchill a dit, durant l’entre deux guerres qu’il faudrait écraser la révolution dans l’œuf.
C’est donc le rejet mondial qui amène ces deux peuples à coopérer. En Avril 1922, les deux pays, représentés par Georgi Chicherin et Walter Rathenau se réunissent à Rapallo, en Italie, pour signer le traité du même nom. Cet accord annule toutes réparations et concessions amenées par la fin de la guerre et la signature du traité de Brest-Litovsk. Cette union ne causa évidemment pas a joie dans le reste de l’Europe. L’Allemagne et l’Union Soviétique étaient peut être les deux grands perdants de la guerre, mais ils restaient tout de même ceux avec le plus grand potentiel de reconstruction dans toute l’Europe. L’Allemagne était plus fort démographiquement que la France et l’Angleterre et possédait une industrie supérieure à la leur. Les communistes possédaient le bassin démographique le plus important au monde. Si les deux pays arrivaient à s’aider mutuellement, ils pourraient devenir les nations les plus fortes de tout le continent.
Clauses secrètes :
L’ouverture économique n’était pas le seul motif derrière le traité. Les deux pays avaient besoin d’un réarmement, pour différentes raisons; l’URSS par son retard technologique et l’Allemagne par les conditions imposées par le traité de Versailles. Afin de ne pas aller trop à l’encontre de celles-ci mais afin de s’assurer un potentiel armé moderne, L’Allemagne commence une collaboration militaire avec la Russie en installant des bases de recherches technologiques et stratégiques en sol russe et en collaborant avec des scientifiques militaires soviétiques. En échange, les Soviétiques pourraient utiliser les usines Allemandes afin de satisfaire leur besoin de modernisation.
Le projet militaire a pris de l’ampleur considérable. Il est étonnant de noter à quel point deux pays ayant des cultures et des idéologies complètement différentes ont réussis à si bien s’entendre pour une période de temps prolongée (presque onze ans.) On compte cinq projets de développements différents :
1) Une école d’aviation à Lipetsk. Ici on y entraînait des pilotes mais aussi des mécaniciens et des spécialistes dans la construction aéronautique. Au lieu de développer des modèles plus perfectionnés, les ingénieurs recevaient des plans et des prototypes de moteurs à la fine pointe de la technologie qui ont étés achetés à l’extérieur. Ces modèles étaient ensuite examinés afin que l’on puisse en comprendre le fonctionnement et l’utilité afin de construire des nouveaux modèles plus perfectionnés. Une classe de pilotes prenait quatre semaines à entrainer, chaque classe contenait à peu près une dizaine de pilotes. La recherche technique se faisait en continu avec des équipes de recherches permanentes3.
2) Un centre de recherches sur les gaz de combats et leur distribution par l’aviation aux abords de l’école de Lipetsk
3) Un centre de développement de chars d’assaut ainsi qu’une école de combat et d’entrainement en tactiques de blindés. Situé près de Kazan, à l’intersection de la rivière Volga et Kazanka. Il y avait plus d’une cinquantaine de chercheurs en permanence ainsi que les forces armées pour assurer la protection du camps (on voit à quelle niveau d’importance les deux gouvernements accordaient à ce projet en observant la présence de l’armée) ainsi qu’une quinzaine de recrues puisées dans les deux armées pour s’entraîner sur la poignée de chars d’assaut complétés mais aussi sur leur fabrication, les moteurs, les cannons, les mitrailleuses coaxiales, les chenilles etc. ainsi que dans les tactiques d’approches, de combat, de bataille en formation, de combat la nuit de guerre éclaire et statique etc. L’entrainement prenait 12 semaines et à la fin de celui-ci, la recrue savait exactement comment fonctionnait un char d’assaut, comment il était construit, comment le réparer et comment l’utiliser efficacement4.
4) Un centre de recherche sur les gaz de combats du nom de Kama, proche de Volsk, On y cherchait comment épandre le gaz par artillerie et de nouvelles manières de le produire en d’immenses quantités. Par contre, toute coopération cesse en 1927 et les recherches continuent d’une manière indépendante5.
5) Un centre de recherche développé par Junkers, une compagnie aéronautique Allemande. Ce centre faisait des recherches dans les systèmes de livraison de bombes par l’air, la communication radio, les armes de poing, l’ingénierie de guerre etc.
Une lettre de Voroshilov à Staline datant de 1929 montre bien la subtilité et la ruse qu’ils devaient employer pour contourner le traité de Versailles. Il dit que pour acheminer les tanks, fabriqués en Allemagne, le gouvernement soviétique devra passer un contrat bidon à Rheinmetall pour commander des tanks et les acheminer en Union Soviétique, où ils pourront être remis sous le contrôle Allemand (du moins jusqu’à ce que le contrat d’entre aide finisse, lorsque la plupart de l’équipement ainsi que la toute l’infrastructure sera remis en mains russes6.
Rupture :
Dès 1926, on peut commencer à voir les craques se propager dans l’amitié des deux pays. En effet, dans une lettre de Józef Unszlicht datant du 31 Décembre 1926, le membre de l’armée rouge dit à Staline que selon lui, les équipes de production germano-soviétiques ne devraient pas être élaborées d’avantage. Il est d’accord pour que celles qui existent déjà continuent de marcher (ex. pour développer l’artillerie et le blindage) mais une extension de l’Allemagne dans le fonctionnement de l’armée rouge pourrait nuire à un conflit éventuel entre les deux7.
Par contre, on ne commence qu’à parler d’une vraie rupture en 1933, lors de l’arrivée au pouvoir des nazis. Dès son arrivée au pouvoir, il parle de la guerre inévitable contre la peste marxiste. Les deux dirigeants, sentant l’animosité monter entre eux provoquent la désunion de ces groupes de recherches. Staline va encore plus loin en se débarrassant de la plupart des dirigeants des projets et les hauts fonctionnaires qui ont collaborés avec la Reichwehr. Le maréchal Mikhaïl Tukhachevsky (chef de l’armée rouge jusqu’en 1928) ainsi que le maréchal Alexandre Yegorov, conseiller aux affaires militaire sont écartés puis exécutés, sans raisons ou selon un complot inventé. Ils seront en effet tout deux réhabilités après la mort de Staline8.
En conclusion, toutes ces écoles ou camps de recherches ont eu des résultats relatifs. Les écoles de Lipetsk et de Kazan ont eu des succès phénoménales, tandis que les autres ont étés soit rendus inutiles par l’évolution de la guerre (comme la recherche en gaz de combats) ou n’ont eu que des succès limités. Par contre, ce qu’il faut en retenir c’est qu’à la fin de la collaboration, en 1933, les deux pays avaient des bases solides pour continuer la recherche et la production de matériel de guerre pour les faire rentrer dans leurs idéologies guerrières respectives.
Du côté soviétique, les russes ont eu, en 1933, assez de temps et d’expérience pour construire une industrie moderne (en utilisant souvent du matériel américain) et efficace. Lors d’une visite guidée de l’usine de tracteur de Kharkov, le général Bokkleberg est impressionné au point de remarquer à ces homologues russes à quel point il est jaloux et souhaiterait avoir des usines semblables en Allemagne. Il faut bien comprendre qu’une usine de tracteur peut être facilement convertie pour produire un nombre similaire de chars d’assaut. Regardons un peu une usine moyenne en Union Soviétique. L’usine de tracteur de Kharkov pouvait produire 40 tracteurs par jours (donc peut être 30 chars d’assaut par jour.) L’usine d’armes de Tula pouvait produire plus de 1500 carabines, mitrailleuses et fusils anti aériens par mois. L’usine d’aviation d’Alexandrovsk pouvait produire 50 moteurs de 450 HP (pour bombardiers) et 200 moteurs de 100 HP (pour des chasseurs et avions de reconnaissance.9)
Qu’est-ce que ceci veut dire? Premièrement que le besoin de l’union soviétique d’importer des armes de l’extérieur baisse de jours en jours, la rendant bientôt complètement indépendante au niveau de la production. Ensuite, au niveau de la création et du maintien d’une armée moderne, l’Union Soviétique était loin d’être en retard. La création d’une division d’infanterie (20 000 hommes) pourrait être entièrement équipée en à peine un mois par dix usines. Quatre usines de tracteurs pourraient remplacer les pertes en chars d’assaut de la bataille de Kursk en moins d’un an.
Une évolution séparée
Dès la fin de la coopération, les deux pays reprennent les recherches sur leurs propres projets. La radicalisation de l’Allemagne nazie fait en sorte qu’Hitler ne cache plus ses recherches et son réarmement. Plusieurs compagnies privées sont engagées pour faire de la recherche. Krupp, Rheinmetal ainsi que Ferdinand Porsche (plus tard) se concentre sur les cannons ainsi que l’artillerie et MAN, Henschel et Daimler travaillaient sur le châssis et la locomotion. Plusieurs de ces compagnies construisaient aussi des avions. Le gouvernement soviétique était aussi occupé dans le même genre de recherche. Les facteurs influençant les critères de recherche peuvent être retrouvés dans les trois points suivants. Considérant que les Allemands et les Soviétiques avaient une capacité de production similaire, les différences démographiques des deux pays ainsi que le niveau d’entraînement qu’allaient recevoir les deux soldats était très important.
La Différence démographique :
Lorsque l’on compare l’Allemagne à ses premières conquêtes, telle la France ou la Pologne, le bassin démographique Allemand était beaucoup plus profond. L’armée allemande n’a jamais eu besoin d’aller y puiser puisque les corps expéditionnaires ont étés amplement suffisants. Ils n’ont donc pas eu besoin de tirer profit de cet avantage. Par contre, la préparation de l’armée ainsi que le développement des armes a toujours été fait en fonction d’une attaque contre la Russie, donc contre un adversaire avec un avantage numérique vastement supérieur. L’Allemagne devait s’assurer d’avoir un avantage qualitatif aussi impressionnant pour pallier leur désavantage quantitatif. En d’autres mots cela veut dire que si un soldat allemand mourrait pour chaque soldat français, la victoire était quand même assurée. Si un soldat allemand mourrait pour chaque soldat russe, L’Allemagne serait dépeuplée tandis que les communistes seraient encore en pleine forme (relativement parlant.)
Chaque soldat allemand devait donc être en mesure de tuer le plus de Russes avant de mourir. C’est pourquoi on insistait pour lui donner les meilleures armes à la fine pointe de la technologie. Après tout, l’armée allemande qui a commencée Barbarossa le 22 juin 1941 était composée de trois million d’hommes, 3300 chars d’assauts et 2000 avions. L’armée russe qui allait les recevoir comprenait trois millions et demi d’hommes, vingt mille chars d’assaut ainsi que huit mille avions de combats10. Il faut aussi noter que les vagues massives de conscription n’avaient pas encore commencées. La taille de l’infanterie allait bientôt doubler, voire même tripler.
Il est facile de comprendre que si les Soviétiques avaient une armée beaucoup plus grosse mais une industrie similaire à l’Allemagne, ils ne pouvaient pas se permettre de passer énormément de temps à produire des armes complexes, même si celles-ci étaient plus performantes. La priorité soviétique était de produire de l’équipement standardisé et simple. Celui-ci devait être produit très rapidement et devait être fiable, même dans les pires conditions de la Russie hivernale.
Éducation allemande :
Tout au contraire, les groupes de jeunesse Hitlérienne n’avaient qu’un seul but : Apprendre aux jeunes à tuer.
A violently active, dominating, intrepid, brutal youth – that is what I am after (…) I want to see once more in its eyes the gleam of pride and independence of the beast of prey (…) I will have no intellectual training. Knowledge is ruin to my young men.
-Adolf Hitler
Basant leur main d’œuvre sur l’esclavage ainsi qu’une classe professionnelle déjà formée, les nazis n’avaient aucun besoin de former leurs jeunes dans la manutention. Dès 1932, les nazis commencent la jeunesse Hitlérienne, la rendant obligatoire en 1938. Ce qui veut dire que depuis le début de la guerre, beaucoup de soldats auront passés au moins une petite partie de leur jeunesse dans ce groupe. On y entrait dès la tendre enfance, vers huit ou dix ans et on y restait jusqu’à l’adolescence. En se rappelant que que l’enrôlement dans la Reichwehr et plus tard la Wehrmacht était de douze ans, la plupart des soldats étaient en entraînement militaire depuis leur préadolescence. Tout les aspects des groupes les préparaient au combat. On apprenait à lancer des grenades, à tirer du fusil, à faire de la marche forcée pendant de longues heures, à suivre les ordres, à travailler en équipe et se battre. En effet, la cruauté des instructeurs était requise et la violence entre les jeunes était encouragée. Les lectures obligatoires ainsi que les cours théoriques étaient remplis de l’idéologie nazie telle que la conception de l’espace vital, la biologie arienne, la haine des juifs et autres sous-hommes ainsi que la logique derrière l’extermination des races et la supériorité innée du peuple allemand11.
Ce jeune, qui a passé sa vie à s’entraîner et à avaler la propagande nazie était transformé en machine à tuer. Il était spécialiste dans plusieurs armes et savait parfaitement où il se situait dans les manœuvres interarmes. Il était prêt à mettre en action tout les plans de son Führer et mourait volontiers pour sa patrie, chose qu’on lui demandait souvent.
Il est donc logique de donner à cet homme, cet ubersoldat, les armes les plus perfectionnées que possible afin qu’il puisse faire son boulot et exterminer le plus de sous hommes et de méchants communistes avant de mourir, fier et plein d’honneur.
Éducation soviétique :
Comme dans le reste du monde entier, mais plus particulièrement dans les pays totalitaires, il existait beaucoup de groupes de jeunesse pour que les jeunes puissent aller s’amuser et s’instruire dans leurs temps libres. La nuance est que dans les pays totalitaires, ces institutions sont obligatoires, dirigées par l’état et un des buts principal est d’intégrer le jeune dans le moule de la société dans laquelle il vit. En URSS, cette société était le komsomol. Lorsque le groupe est crée, il n’y avait aucune base de groupes de jeunesses tsariste sur lequel le komsomol pouvait se baser. On a donc du tout inventer à partir de rien.
The young Soviet citizen must strenghten the economic basis of Soviet influence by working «creatively» as a Stakhanovite and as a leader of Socialist emulation. Intelligent mastery of technique must be combined with a socialist attitude to labour founded on an iron conscious discipline.»12
Qu’est-ce que ceci veut dire? Rappelons-nous que lorsque le komsomol a été fondé, l’Union Soviétique commençait un vaste mouvement d’industrialisation. Le gouvernement devait donc prendre des paysans ou des artisans illettrés et les transformer en ouvrier qualifié ou en travailleur dans les fermes communautaires. La meilleure manière à long terme de faire ceci était de l’enseigner à la jeunesse et durant le service militaire (obligatoire.) Les jeunes ainsi que les recrues, en plus de l’entraînement militaire, recevaient une formation sur des machines d’ouvriers, apprenait comment travailler à la ferme et construisait les infrastructures de transport pour faciliter la communication entre villes. Ce travail, pourtant nécessaire à la survie de l’Union Soviétique, ne visait pas spécifiquement à former des soldats professionnels mais plutôt un personnel polyvalent qui arriverait à fonctionner dans le monde soviétique une fois que son temps d’enrôlement fût fini. Il est donc normal que le soldat qui sorte de cette école d’entrainement ne soit pas en mesure de fonctionner dans une armée à la fine pointe de la technologie. Il ne sait pas comment réparer un char d’assaut, n’est pas un spécialiste de telle ou telle armes etc. Il ne serait donc pas utile de lui donner des armes complexes étant donné qu’il ne pourrait pas s’en servir. D’autant plus, le pourcentage de mortalité des nouveaux conscrits était tellement haut que leur assigner un équipement de valeur et un entraînement de spécialiste aurait pu être vu comme étant de la perte.
Il est évident qu’il y avait des spécialistes dans l’armée rouge ainsi que des armes à la fine pointe de la technologie. Je pense entre autres aux camions lance roquette Katyusha ainsi que les chars d’assauts lourds T35 avec trois cannons et un équipage de dix personnes. Il faut tout de même retenir que l’armée rouge était principalement une armée de non spécialistes.
Performance durant la Deuxième Guerre mondiale
La Deuxième Guerre mondiale a donc vu le choc entre ces deux armées puissantes avec leurs idéologies respectives. Il serait inutile de faire une longue description du conflit puisque nous pouvons très bien observer les résultats de ce duel en quelques exemples biens choisis.
Lorsque l’armée Allemande passe les frontières soviétiques, elle est désavantagée à plusieurs niveaux. Le premier est démographique comme nous avons vus plus tôt. Le deuxième est la non standardisation de son armement. Concentrons-nous sur les chars d’assauts pour cet exemple. Il y avait beaucoup de chars allemands participant à l’invasion à la fine pointe de la technologie. Je pense au Panzer IV (qui était tout de même en voie de devenir désuet,) au Tiger et au Panther qui allaient le remplacer et plusieurs autres modèles. Par contre, il n’y avait aucune uniformité entre équipement. Les commandants devaient donc essayer de coordonner des attaques avec des milliers de chars ayant différents armements, différentes vitesses, armure, besoin logistiques etc. Ceci créa donc une confusion et une inégalité de la puissance d’attaque.
Les Allemands, en 1943, utilisaient prêt de dix sorte de chars différents, sinon plus si l’on compte les chars capturés. Panzer II , III, IV, Tigre, Panthère, jagdtiger, jagdpanther, elefant ainsi que plusieurs variantes de ces modèles adaptés à certains besoins spécifiques (amphibie, lance roquette, lance flamme, poseurs de ponts, destructeurs de ponts etc.) et ceci est sans compter tout les différents modèles de transports blindés, d’artillerie mobile, d’artillerie à roquette etc.
Bref, chacun de ces chars nécessitait un entrainement ainsi qu’une expérience particulière. Il est vrai que dans une certaine mesure, l’équipage pouvait être interchangeable, mais la complexité de l’équipement faisait en sorte que pour obtenir une maîtrise à 100% de son véhicule, il fallait le connaître de fonds en comble. Ceci ne posait pas nécessairement un problème aux équipages vétérans qui étaient au boulot depuis plusieurs années mais les nouvelles recrues fraîchement cueillies n’ont pas pu s’adapter.
Au contraire, l’armée soviétique possédait trois chars d’assaut de base : Le modèle T (T-34, T-35 etc.) le KV ainsi que le BT. Il est vrai qu’il existait plusieurs modèles différents de ces chars, mais la simplicité et l’uniformité d’entre eux faisait en sorte qu’il ne fallait que quelques heures de pratique avant de maîtriser parfaitement son nouveau véhicule. En effet, la plupart des conducteurs de T34 n’avait que : les contrôles, les pédales, la boîte de transmission et accès à la mitrailleuse coaxiale. Il serait difficile de s’y tromper13.
L’hiver soviétique fût tout aussi important pour la défaite allemande. L’équipement Allemand, fonctionnant parfaitement en température normale, n’était pas du tout conçu pour opérer dans un froid sibérien (en effet, Hitler pensait finir la guerre durant l’été.) Les cannons ainsi que les fusils et chenilles utilisant une huile minérale complexe gelaient et arrêtait de lubrifier les pièces, le caoutchouc synthétique explosait, les moteurs ne pouvaient pas partir étant donné que les minuscules pièces étaient congelées. Par contre, les chars soviétiques, qui avaient étés conçus avec l’hiver en tête n’avaient pas de problèmes. Les moteurs étaient grossiers mais ils fonctionnaient. Le canon était simple mais il n’explosait pas quand on le tirait à -40 de température. Si le T34 ne partait pas le matin, il suffisait d’allumer un feu sous le châssis afin de réchauffer le moteur. Si un chauffeur de Jagdtiger faisait ceci, il allumerait le magasin d’obus et le char exploserait14.
CONCLUSION
Il est facile de voir d’autres aspects de cette lutte entre la simplification et la modernisation à outrance durant la guerre. En 1941, lorsque les armées soviétiques sont prises par surprise, ne parviennent pas à riposter à temps et que les trois grandes villes soviétiques sont menacées, Staline appelle à la grande guerre patriotique. Selon lui, la seule manière de gagner la guerre était de mobiliser le peuple entier et de dérouter l’envahisseur en s’unifiant derrière l’étendard communiste.
Par contre, lorsque la guerre commence à aller mal pour Hitler, en 43-44, sa solution est d’investir dans les armes miracles. Selon lui, la meilleure manière de gagner la guerre était par une modernisation à outrance, de battre l’ennemi en l’exposant à des armes avec un potentiel destructeur inimaginable qui oblitérerait son avantage numérique.
On voit ici la tendance que nous avons vu dans mon travail mais poussé à son extrême par la force du désespoir.
Ceci n’est pas une étude anti modernisation. Je ne crois pas que les Allemands auraient pu gagner la guerre en employant la même tactique que les soviétiques. Je tiens simplement à prouver que la guerre, en tant qu’activité sociale, est intimement liée à tous les facteurs qui affectent une société particulière.
Nous aurions pu croire que la divergence entre la direction des champs de recherche après la fin du traité de Rapallo était simplement dû au hasard ou à d’autres facteurs plus ou moins aléatoires comme le désir particulier des dirigeants, par exemple. Par contre, je crois bien démontrer que les directions qu’ont prises les deux belligérants étaient inévitables, sinon logique.
Bibliographie :
Monographies :
Benoist-Méchin, Histoire de l’armée Allemande, vol. 1. Paris, Laffont, 1966,
Dyakov, Yuri et Bushuyeva, Tatyana. The Red Army and the Wehrmacht. How the Soviets militarized Germany, 1922-33, and paved the way for fascism. New York, Prometheus Books, 1994. 348 pages
Fowler, Will. The First Seven Days. Barbarossa, Nazi Germany’s 1941 Invasion of the Soviet Union. 2006, Sandcastle book. 192 pages.
Gatzke, Hanz. Stresemann and the Rearmementof Germany. Baltimore, John Hopkins Press, 1954. 132 pages
Williams, E.S. The Soviet Military. New York, 1986, St. Martin’s Press. 203 pages.
Périodiques :
Gould, Julius. «The komsomol and the Hitler Jugend» The British Journal of Sociology, Vol. 2, No. 4 (Décembre 1951) pp.305 – 314.
Kunzer, Edward. «The Youth of Nazi Germany» Journal of Educational Sociology, Vol. 11, No. 6 (Février 1938) pp.342 – 350.
Sella, Amnon. «Red Army Doctrine and Training on the Eve of the Second World War.» Soviet Studies. Vol. 27, No.2 (Avril 1975) pp.245-264
Stein, George. «Russo-German Military Collaborations : The Last Phase, 1933» Political Science Quarterly, Vol. 77, No. 1. (Mars 1962) pp. 54-71.