Originally posted by Drakken
Je me demande bien comment on peut représenter l'idéal-type d'une femme forte au Moyen-âge. As-tu des noms d'auteurs qui tentent d'en brosser un portrait historiquement valable?
D.
C'est un problème particulier dans la recherche actuelle, en tout cas en France.
Les sources pour se représenter la femme du Moyen-Age manquent singulièrement.
On ne peut s'appuyer très souvent que sur des données littéraires (le Roman de la Rose, les fabliauds) qui sont écrites par des clercs ordonnés (qui ont donc généralement un point de vue très particulier sur la question) ou ont un style qui reprend volontairement tous les grands poncifs (cas des fabliauds dits "érotiques").
Après, il y a la correspondance d'Héloise, les écrits de Christine de Pisan. Si je mets de côté le débat d'une arrière-garde qui pense encore que c'est Abélard lui-même qui écrivait les lettres de la première, on a à faire avec des personnalités exceptionnelles, et reconnues comme telles. Même chose pour Hildegard de Bingen et, pour les souveraines, avec Aliénor d'Aquitaine ou Blanche de Castille.
La littérature courtoise est également utilisable, mais vue que c'est elle qui a propagé l'essentiel des clichés, son utilisation est complexe : c'est par elle que les figures résumées par Oexmelin, la vierge blanche, la sorcière/putain, la souveraine dominatrice se sont propagées jusque dans les Rois maudits, je pense.
De temps en temps, quelques allusions dans des chroniques ou des documents juridiques, qui montrent parfois (j'ai des exemples dans la paysannerie, et les personnes de Mahaut, Aliénor montrent que cela pouvait se retrouver aux plus hauts niveaux) des femmes qui portent la culotte. Mais pour avoir vu de loin les travaux d'une acolyte dans ce domaine, aucune étude systématique sérieuse n'a encore été tentée, alors que c'est probablement là qu'il y a le plus de données.
En fait, je ne sais pas vraiment ce qu'il y a à chercher en fin de compte (comme si la féminité était quelque chose de descriptible), mais ce qui est évident (je l'ai bien ressenti lors de mon année de concours où la question de médiévale portait sur culture et société en Occident) c'est que les dernières présentations d'un personnage comme Christine de Pisan par exemple sont en effet sérieusement entâchées de féminisme moderne.
Mais c'est compréhensible : c'est justement parce que nous connaissons ce phénomène que le sujet revient dans la recherche.